JDR comme compétence pro

Comment apprendre gagner des compétences pro en jouant.

J’ai toujours pensé que la chance est aussi une compétence. Et j’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Par exemple, je suis un nerd depuis petit. En arrivant en France, mon grand frère m’a introduit aux JDR, et un ami m’a fait découvrir Warhammer. J’ai une bibliothèque pléthorique de JDR (pire que ma collection Steam), et parlons même pas de mon “tas gris de honte”.

Et lorsque je suis devenu chef d’équipe, lors des premières formations, ce qui semblait étrange ou nouveau pour les autres me paraissait normal, car le JDR m’avait poussé à apprendre ces compétences de manière organique.

Du coup, on va parler un peu de JDR et de ce qu’il peut vous apporter. Et aussi de ce qu’il pourrait apporter à vos enfants.

  • Meujeu : contraction de maître de jeu. Il est en charge de l’intrigue, de la gestion du monde et de l’interprétation des autres personnages.

  • PJ : personnage joueur. Ils sont les sujets de l’intrigue et co-construisent l’histoire avec le Meujeu.

  • campagne : ensemble de scénarios qui forment un tout cohérent, un peu comme une saison pour une série.

  • Fumble : échec critique. Tu foires complètement ton action.

Dans le même genre: c’est pas une explication de c’est quoi le JDR. Du coup, si tu veux faire un hors sujet, fait le chez toi!

Déjà, c’est quoi le Jeu de Rôle (JDR) ?

Il existe plusieurs univers : tout ce que vous pouvez imaginer comme style de romans, il y a sûrement un JDR dans ce style.

C’est un peu comm un jeu de plateau, dans lequel un des joueurs prend le rôle du Meujeu. Il est en charge du scénario, l’intrigue, et de tous les personnages non-joueurs (PNJ). Il doit animer le jeu, pousser les joueurs à suivre l’intrigue tel un metteur en scène. Il incarne tous les PNJs, joue les interactions avec les PJ, et enfin il est un peu le juge, expliquant les résultats des actions entreprises par les PJ.

Chaque joueur crée un personnage, une sorte d’avatar qu’il incarnera dans l’aventure — on l’appelle PJ. Chaque PJ a des compétences et autres pouvoirs, définissant ses capacités dans l’univers du jeu.

On se met d’accord sur un cadre de règles pour déterminer si une action est réussie ou échouée (souvent à base de jets de dés, mais pas toujours). Ça évite les conflits sur la résolution des actions. Tu veux mentir à quelqu’un ? Si ton jet réussit, ton PJ réussit. Et les mêmes règles s’appliquent au Meujeu.

Une partie se déroule simplement : le Meujeu met en scène les PJ dans une situation donnée. Et ce sera à eux d’agir. Que font-ils ? Où vont-ils ? Selon leurs actions, le Meujeu leur décrit le résultat et fait intervenir des PNJ.

Ainsi, tous les joueurs co-construisent une histoire. Et la plupart du temps, les PJ niquent bien comme il faut ton scénario que tu as bossé comme un dingue, en faisant un truc complètement con et imprévu. Et maintenant, le Meujeu doit réagir, continuer l’intrigue ou en créer une nouvelle.

Faites ça pendant 4 à 8 heures, et vous avez une partie de JDR.

J’ai rapidement compris que changer les règles pendant une partie rend le tout frustrant et désengageant. On donne les règles du jeu au début et, si elles changent, on en discute avant de les modifier. De plus, pour qu’une règle soit juste, elle doit s’appliquer à tout le monde de manière équitable (même au Meujeu).

Avant de lancer une campagne, je discute toujours avec les joueurs de ce qu’ils attendent de la partie (le Meujeu inclus).

On définit ainsi un contrat social, ce qui réduit les frustrations, les non-dits et les fausses attentes.

Et j’ai toujours appliqué ce contrat social dans mes équipes :

  • Quelles sont les règles du jeu ?
  • Qu’est-ce que j’attends d’eux ?
  • Qu’est-ce que je peux leur offrir ?

Et vous seriez surpris des résultats dans les équipes.

Dans une partie, pour que tout le monde s’amuse, il faut vraiment s’écouter. Le Meujeu doit prêter attention à la dynamique du groupe, aux intentions, signes faibles, envies, etc.

Parmi les joueurs, on trouve de tout : Ceux qui s’investissent à fond dans leur personnage ; les GrosBill qui veulent surtout latter tous les culs qu’ils croisent, à coups d’épée, de marteau ou de Desert Eagle ; celui qui fout la merde ; celui qui n’arrête pas de parler ou celui qui ne parle presque pas…

Cela m’a appris non seulement à écouter activement les autres, mais aussi à mieux lire leurs intentions et les dynamiques de groupe. Et à leur offrir ce dont ils ont besoin, si on le souhaite.

Dans une campagne que j’avais passé des jours à construire (sur une 30aine de session), on en était à la 2e ou 3e session. Le PNJ central, qui devait devenir le Grand Méchant, rencontre les PJ… et là, l’un d’eux décide de le tuer, car “il était louche”. Il réussit tous ses jets, je rate tous ceux du PNJ… et il meurt. Je fais quoi ? Je le remplace ? Je crée un nouveau méchant ? Je m’adapte ? Je jette la campagne à la poubelle et j’immole le joueurs?

Et c’est qu’un exemple. Tous les Meujeu ont des histoires sur “comment mes joueurs ont niqué mon beau scénario”. Tant de plans machiavéliques bêtement ruinés.

Et le Meujeu doit encore tenir plusieurs heures de jeu. Et il n’y a rien de plus gratifiant que d’avoir des joueurs qui, en fin de partie, te disent : “Le scénario était trop bien, et le twist je l’avais pas vu venir !” Alors qu’en vrai ils ont dégommé ton scénario dans les 30 premières minutes.

Une fois, on avait passé des heures à planifier la prise d’une base ennemie. Un joueur avec des pouvoirs magiques devait intervenir dès le début. Il fait un fumble. Il doit lancer un jet pour savoir à quel point il foire. Il le rate. On utilise un point pour relancer… il rate encore. Dernier point… fumble à nouveau. Résultat : il explose façon C4… dans une petite pièce. 6h de planification, et en 5 minutes : version tartare.

“Miracle tenté, miracle raté. L’équipe est décédée, merci d’avoir joué.”

Autre exemple, dans un jeu inspiré d’Alien (le film). Troisième scénario. L’équipe planifie la prise d’une station minière. Première confrontation, et le PJ GrosBill, avec sa sulfateuse, fait un fumble… puis une crise de nerf… puis re-fumble… et il allume toute la pièce. Les autres joueurs inclus. Statistiquement : une chance sur 100 000 que ça arrive !

Depuis, je planifie surtout les trucs qui peuvent mal tourner. Et les plans B ou C. Un plan trop détaillé devient inutile au moindre imprévu. Un bon plan, c’est un plan qui s’adapte.

Parfois, le Meujeu doit jouer les médiateurs. Si un joueur monopolise la parole, c’est au Meujeu de rééquilibrer. Si un joueur a un comportement négatif, le Meujeu s’appuie sur le groupe pour désamorcer les tensions avant que ça ne gâche la partie.

Et quand tu tues le PJ d’un joueur super investi… sans faire exprès… ça peut partir en vrille, surtout chez les ados.

À l’inverse, quand un joueur adopte un comportement positif, c’est au Meujeu de l’encourager. Et de montrer au groupe qu’il est bénéfique de le reproduire.

Les PJ sont constamment confrontés à des défis. À eux de trouver des solutions. Ils prennent des risques qu’ils ne prendraient jamais dans la vraie vie. Ils testent des choses nouvelles. Ils sortent de leur zone de confort. Ils prennent d’autres points de vue. Ils utilisent leur imagination pour résoudre des problèmes fictifs.

Et souvent, seul, ce n’est pas possible. Il faut collaborer, comprendre les compétences et pouvoirs des autres.

Et rien n’est plus satisfaisant que de se sortir d’un pétrin par une idée brillante… ou grâce à la synergie du groupe. Quand tout le monde pensait que c’était foutu, et que pourtant, vous triomphez.

Et puis, incarner un personnage, c’est faire de l’impro dans un environnement sécurisé. Comment convaincre un PNJ de vous faire une ristourne ? De croire que vous n’êtes pas les droïdes qu’il recherche ?

Faites du JDR ! Faites des wargames ! Vous passerez un bon moment, mais aussi… vous apprendrez beaucoup plus que vous ne l’imaginez.